Passionnée par la recherche lexicologique dont elle est aujourd’hui une fine spécialiste, l’Italienne Maria Leo, qui est titulaire d’un doctorat en lexicologie française et qui a différents ouvrages et articles à son actif, s’est consacrée, dans l’ouvrage qu’elle a publié, en 2016, à Paris, aux prestigieuses éditions Hermann, à l’étude scientifique de «La terminologie de la Bourse et des organismes qui la côtoient».
S’appuyant sur une solide bibliographie tout aussi fournie que variée et conduisant son investigation à l’intérieur-même du système financier et économique relatif à la Bourse (Bourse de commerce et Bourse des valeurs) qu’elle semble connaître sur le bout des doigts, Maria Leo, après avoir reconstruit très clairement l’histoire de cette vieille institution qui remonte au XIVe siècle et creuse ses racines dans l’Antiquité romaine et dans le troc, s’est livrée, dans la 2e grande partie de son ouvrage, à un examen tant minutieux que méthodique du vocabulaire spécifique usité spécialement par les courtiers, les commissionnaires et les agents commerciaux, dans ce vaste domaine d’échange, d’achat et de commerce, et qui constitue, à lui seul, une espèce de langue spécialisée dont la construction et le fonctionnement sont ceux de la langue en général, c’est-à-dire de cet «organisme vivant» animée par une constante dynamique de reproduction, de consolidation, de transformation, de siglaison, de métaphorisation et d’auto-enrichissement permanent. Une belle dynamique permettant à la langue de toujours s’adapter à l’époque qu’elle exprime et aux nouvelles découvertes scientifiques, technologiques et culturelles de l’Homme. Et c’est bien cette dynamique-là que Maria Leo, en analyste attentive, a su reconnaître dans cette langue boursière, quelque peu ésotérique, qui, bien que hautement technique comme un métalangage ou un langage codé, est loin d’être figée. Suivant une démarche onomasiologique, c’est-à-dire une démarche évoluant de l’idée ou le concept vers l’expression ou le mot, Maria Leo démontre, en effet, que cette langue évolue régulièrement avec l’évolution de l’Institution qu’elle représente et exprime et qu’elle se laisse gouverner par les mêmes principes qui président à l’évolution et à l’actualisation de tout système de représentation et d’expression. Ainsi est-elle constituée de termes techniques, argotiques, connotatifs, métaphoriques ou imagés et d’emprunts (surtout à l’anglais vu la prééminence économique et politique américaine) et de sigles (exemples : «AMF» (Autorité des marchés financiers), «COB» (Commission des opérations de Bourse), «Cecei» (Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement), «Scpi» (Société Civile Immobilière), «OMC» (Organisation mondiale de commerce), etc.
En bonne connaisseuse de son domaine de lexicologie, Maria Leo pénètre la structure sémique de tous ces termes constituant ce vocabulaire boursier, la dissèque et la décrypte afin de circonscrire leur nature et la façon dont ils sont constitués. Il y a là un véritable travail de «chirurgien» du langage aux résultats tant utiles que limpides, malgré le flou ou l’obscurité même qui enveloppent une partie de cette terminologie plutôt inaccessible pour le profane.
En vue de mieux l’examiner et le définir, Maria Leo traque aussi ce vocabulaire boursier dans les meilleurs dictionnaires de la langue française, tels le «Grand Robert», le «Petit Robert», le «Grand Dictionnaire Terminologique», le «Littré», le «Dictionnaire de l’Académie Française» ainsi que de nombreux dictionnaires numériques. Son examen la conduit à affirmer la validité de ces dictionnaires en matière de définitions de ce vocabulaire, mais aussi leurs limites.
Méthodique, clair et écrit dans un français aisé et fort peu compliqué, ce livre de Maria Leo est, somme toute, un ouvrage très utile pour tous ceux qui désirent en savoir davantage sur cette «ésotérique» langue qui est celle de la Bourse.